On aura beau jeu de se moquer du pauvre Akaki Akakievitch, qui fonde tant d'espoirs sur son nouveau manteau : chez Gogol la mediocrite est une tentation irresistible, que meme le fantastique echoue a surmonter. Un nez emancipe de son proprietaire, quoi de plus fou! Si volontaire que soit cet organe, il n'echappera pourtant pas au reve partage par le ch?ur des fonctionnaires de toute la Russie : devenir conseiller d'Etat… Mais la sincerite, souvent touchante, de ces legions d'hommes obstines a rever d'ordinaire peut se muer en fanatisme de la banalite. Le heros du "Portrait", adepte du culte du reel, poursuivra ainsi de sa haine toute trace de beaute, ravageant frenetiquement les ?uvres d'art qu'il se procure. Alors que la normalite etend son empire insense sur Petersbourg et le reste du monde, il n'y aura plus que le fou pour poser la seule question qui vaille : "Je ne comprends pas comment j'ai pu penser, m'imaginer que j'etais conseiller titulaire. Comment cette pensee extravagante a-t-elle pu penetrer dans mon cerveau?" Cinq nouvelles, cinq chefs-d'?uvre grincants ou l'humour noir cotoie le fantastique.