Assis dans l'aube, ils fumaient, contemplant le ciel noir qui dansait sur l'Angleterre. Et Pal recitait sa poesie. Cache dans la nuit, il se souvenait de son pere.
Sur la butte ou ils se trouvaient, les megots rougeoyaient dans l'obscurite : ils avaient pris l'habitude de venir fumer aux premieres heures du matin. Ils fumaient pour se tenir compagnie, ils fumaient pour ne pas deperir, ils fumaient pour ne pas oublier qu'ils etaient des Hommes.
Gros, l'obese, fouinait dans les buissons a la maniere d'un chien vagabond, jappant en levant les mulots dans les herbes trempees, et Pal se fachait contre le faux chien :
- Arrete, Gros ! Aujourd'hui il faut etre triste !
Gros s'interrompit apres trois reprimandes, et, boudeur comme un enfant, il tournoya autour du demi-cercle que formaient la dizaine de silhouettes pour aller s'asseoir du cote des taciturnes, entre Grenouille, le depressif, et Prunier, le begue malheureux, qui aimait les mots en secret.
- A quoi tu penses, Pal ? demanda Gros.
- Je pense a des choses...
- Pense pas a des choses mauvaises, pense a des choses belles.
Et de sa main grasse et potelee, Gros chercha l'epaule de son camarade.